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Festival d’Avignon : après 20 ans de déambulation, La mastication des morts tire sa révérence

Dernière mise à jour : 11 juin 2022

Les dernières représentations de la pièce La mastication des morts se tiendront du 21 au 26 juillet à la Chartreuse, dans le cadre du Festival d’Avignon. Retour sur le parcours de l'œuvre.

La pièce de théâtre La mastication des morts jouée par la troupe du Groupe Merci. © DR


Chemise à carreaux colorée, simple jean et basket usé… Le scénographe Joël Fesel arbore une tenue décontractée ce 2 juin à La Chartreuse, l’ancien monastère transformé en Centre national des écritures du spectacle. Situé à Villeneuve-lès-Avignon, l'établissement culturel recevra du 21 au 26 juillet, lors du Festival d’Avignon, les dernières représentations de la pièce de théâtre La mastication des morts.


Le spectacle est joué par le Groupe Merci, la compagnie de théâtre toulonnaise cofondée par Joël Fesel et Solange Oswald. Écrite par Patrick Kerman, la pièce convie le public dans un cimetière. Les 120 spectateurs (au maximum, NDLR) déambulent entre les cercueils disposés au sol tandis que les comédiens racontent leur vie, leur mort et leurs sentiments.


Pendant une vingtaine d'années, le spectacle a voyagé de ville en ville, mais tout a commencé à La Chartreuse. Pour retracer l’histoire de la pièce Joël Fesel s’installe au centre de La Chartreuse, au cloître de Saint Jean. Du regard, l’artiste survole le jardin et la grande rotonde qui abrite un château d’eau. C’est dans ce cadre bucolique que s’est tenue, en 1999, la première représentation de La mastication des morts.


La rencontre avec la mort


Solange Oswald séjourne alors à La Chartreuse en tant que membre du comité de lecture et participe à des débats littéraires. Elle y découvre les travaux de Patrick Kermann. L’écrivain, originaire de Strasbourg, est en résidence d’auteur dans l’établissement culturel. Il publie quelques feuillets qui deviendront La mastication des morts.


Solange Oswald est immédiatement séduite par le récit de l’auteur. En moins d’un an, elle et Joël Fesel montent un spectacle avec 22 comédiens. La critique est séduite. Un article du Parisien daté de juillet 1999 titrait d’ailleurs : « Ça s'appelle La mastication des morts et ce sera la révélation d'Avignon. »


Mais un événement vient bouleverser les débuts de la pièce. Patrick Kermann, 41 ans, se donne la mort le 29 février 2000 lors de l’une de ses résidences à La Chartreuse. Un moment très difficile à vivre pour le Groupe Merci. « Sa mort tragique nous a tous freinés, on ne savait plus si nous voulions continuer, nous confie-t-il. Mais il le fallait. Le théâtre c’est aussi ça : jouer et s’amuser avec la mort. »

Joël Fesel dans la Bugade, ancienne prison de La Chartreuse. Juin 2022. © DG


Joël Fesel l’assure, la pièce l’a fait mûrir. Pour le scénographe, elle est une mascarade qui interroge la fin de vie. « Elle m’a fait apprivoiser la mort, plus je vieillis moins j’ai peur d’elle», lance-t-il dans un sourire. En près de 20 ans de représentation, l’histoire de La mastication des morts s’est aussi confrontée à l’actualité. Et a dû s'adapter. Parmi les plus marquantes, l’affaire Mohamed Merah en 2012 à Toulouse. Le terroriste tue sept personnes, quelques jours avant la première de la pièce. « La mort et le carnage étaient au centre de toutes les discussions, se souvient Joël Fesel. Nous devions avoir une forme de retenue, l’actualité nous avait rattrapée. » Vingt ans plus tard, il veut désormais tirer le rideau sur cette aventure.


Rituel de fin


« La pièce a assez vécu, il faut s'arrêter », estime le sexagénaire. Pour marquer la fin de cette pièce, il a voulu créer « un rituel », comme il l’appelle : une exposition photographique Ci je gis ! va ainsi se tenir cet été à la Bugade, l’ancienne prison de La Chartreuse.


Deux expositions identiques se sont tenues en 2017 au Palais des Beaux de Charleroi (Belgique) et au Couvent des Jacobins à Toulouse. Cette année, ce sera donc la dernière. Avec son équipe, ils sont d’ailleurs en pleins préparatifs ce jeudi 2 juin, quelques semaines avant le début du festival.


Avec Cécile Bignon, responsable des manifestations de la Chartreuse, ils font un rapide tour des lieux pour réfléchir à la disposition des photos. « On peut ajouter une boîte à selfie pour les visiteurs de l’exposition », propose Joël Fesel qui participe d’ailleurs à la création. Et ça commence dès ce matin.

Joël Fesel, cofondateur du Groupe Merci et scénographe, à La Chartreuse. 2 juin 2022. © DG


Une heure après le début de notre rencontre, le scénographe tronque sa chemise à carreaux pour une veste et pantalon sombre, un costume de « croque-mort ». Et d’autres personnes vont l’imiter, à l’instar d’Emma, une habitante de la région. Comme d’autres personnes, elle a répondu à un appel de La Chartreuse pour venir se prendre en photo et ainsi participer à cette grande exposition.

Les costumes de la troupe du Groupe Merci utilisés pour l’exposition “Ci je gis” à La Chartreuse. 2 juin 2022. © DG


Joël Fesel accompagne alors Emma choisir un costume parmi les quarante disposés sur un portant. Elle jette son dévolu sur une vieille robe fleurie et poussiéreuse. La trentenaire s'allonge alors dans une pièce voisine plongée dans la pénombre au sein d’un faux cercueil pour « jouer la morte ». Les flash d’une caméra crépitent quelques minutes.


À partir du 21 juillet prochain, le portrait d’Emma et une trentaine d’autres visiteurs seront présentés au public.


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