top of page

Au Conservatoire de théâtre d’Avignon, le festival en ligne de mire

Dans une ville qui vit au rythme du théâtre, les élèves du Conservatoire d’art dramatique d’Avignon se forment dans l’espoir de monter à leur tour sur les planches du célèbre festival.

Les élèves du Conservatoire d'Avignon s'approprient une œuvre sans dialogue pour travailler leurs mouvements, le 3 juin 2022. © Arthur Sautrel


Sébastien se déplace en faisant des grands pas désarticulés, chapeau noir orné d’une longue plume blanche sur la tête. Il se frotte, siffle, fait quelques bruitages. Il gesticule en silence, porte un cube imaginaire ou grimpe à une corde fictive. Le garçon de 22 ans répète l'œuvre de Samuel Beckett, Acte sans parole (1957). Le texte composé uniquement de didascalies (des indications scéniques, NDLR) offre un spectacle muet. Le silence est interrompu seulement par la diffusion d’un album de Ludovic Einaudi et le bruit d’un ventilateur oscillant de gauche à droite pour tenter d’éloigner la touffeur du début du mois de juin.


Ce soir-là, ils sont sept apprentis comédiens du Conservatoire du Grand Avignon à participer au cours de « Corps en jeu » de la professeure Fernanda Areias de Olivera. « C’est un super cours, explique Sébastien, depuis trois ans au Conservatoire et étudiant en licence de lettres moderne. Après avoir découvert le texte, on essaye de compenser l’absence de dialogues par les expressions du visage. On a envie de faire rire le public avec nos actions. »


A côté de lui, Emma, Marine et Lenny répètent aussi leur partition sans parole. Antoine, durag (foulard de hip hop, NDLR) sur la tête, 19 ans, tente de son côté de retenir l’enchaînement des actions écrites sur sa feuille de papier. Quand le grand jeune homme, canne à la main, se lance dans sa répétition, sa professeure le suit du regard. « Si ton personnage est vieux, prend plus de temps pour te relever », lui conseille Fernanda Areias de Olivera.


Le Festival est une exposition pour les élèves


À Avignon, le festival de théâtre est un « incontournable » dixit Fabrice Pruvost, responsable du pôle théâtre du Conservatoire, cheveux mi-longs brossés vers l’arrière qui lui donnent un style très « théâtreux » Avec son phrasé précis de comédien, il est un « maître » attentif et protecteur pour ses élèves. « Le festival reste paradoxal. Certes, il y a une attractivité ici. Mais ce n’est pas forcément un gage de concentration des élèves ni de qualité. C’est parfois la course au spectacle. Des élèves peuvent être absents car ils répètent, donc, c’est un dilemme pour les formateurs. »


Les 200 élèves du conservatoire d’Avignon ont forcément en tête le mois de juillet, le plus animé de l’année dans la ville au célèbre pont. Le Conservatoire à rayonnement régional noue des liens avec « son » festival, au travers d’un partenariat pour permettre à une dizaine de jeunes de travailler en tant qu’ouvreur ou ouvreuse lors de l’événement. L’occasion de gagner un peu d’argent tout en profitant des spectacles. Mais pas de passe-droit pour eux. Cependant, une dizaine d’entre eux se produiront sur scène. Comme Sébastien, enthousiaste à l’idée de participer pour la première fois au OFF. Il se produira dans Panique au ciel, une comédie sur le thème du paradis créée par une camarade du conservatoire. Le comédien, bavard et longiligne, espère bien faire carrière.


Anaïs, 17 ans, soulève un cube imaginaire dans une représentation d’Acte sans parole. © Arthur Sautrel


« J’ai prévu de faire des spectacles de rue cet été, se projette aussi Noa, 15 ans. Puis, bien sûr, j’irai voir des spectacles. C’est important. » Lenny, 18 ans, dont le personnage du soir est claudiquant et muni d’une épée, se souvient de la dernière édition : « Avec quelques élèves du conservatoire, on a eu la chance de jouer au festival. On a travaillé avec des comédiens pros par exemple. Ça nous a beaucoup appris sur la façon dont se prépare une pièce. Le deuxième intérêt, c’est qu’on peut avoir plus facilement accès à des castings. Les contacts que l’on peut nouer peuvent être très profitables pour la suite. » Antoine, Sébastien, Lenny et tous les autres rêvent de devenir professionnels. Le Conservatoire n’est qu’une étape vers les écoles supérieures de théâtre, présentes à Paris. Antoine, par exemple, vise la classe libre du cours Florent pour l’après-bac, qu’il prépare. « J’aimerais bien aller au Conservatoire national après. »


Lenny, lui, reste prudent, conscient de la difficulté que représente le métier. Il exprime ses doutes sur une carrière complexe : « C’est très cool, vivre de sa passion, mais je ne sais pas si c’est très durable. Là on est jeunes, on a beaucoup d’énergie. Passé 25 ans, c’est peut-être plus dur de trouver des compagnies… Être intermittent après un certain âge devient plus difficile, vouloir se faire repérer en permanence, jouer dans un spectacle… » Ses camarades du soir ne sont pas de cet avis et veulent se laisser du temps pour réaliser leurs rêves. Sans penser à la forte concurrence qui règne dans le métier, comme le résume Marion, 20 ans : « Cela reste un art collectif. Je pense avant tout qu’il faut travailler en groupe, en écoute, plutôt que penser à sa propre carrière. Ensuite, le choix des comédiens sur scène appartient au metteur en scène. C’est un art, donc forcément subjectif. » La répétition se termine. Ils se le promettent. Bientôt, ils vont passer à l'acte.

4 vues0 commentaire

Comments


bottom of page