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Festival d’Avignon : Olivier Py, un engagement en tous genres

Directeur du Festival IN d’Avignon depuis 2013, Olivier Py arrive à la fin de son mandat cet été. Pendant neuf ans, le metteur en scène, dramaturge et comédien a placé la question du genre au centre de son œuvre et de sa programmation.

Avec son personnage de Miss Knife, Olivier Py veut sensibiliser le public sur la question du genre. © Festival d’Avignon


Tantôt en costard-cravate, tantôt en robe et paillettes. Dans la peau d’un directeur de théâtre ou dans celle d’une chanteuse baroque. Olivier Py s’apprête à tirer sa révérence en tant que président de la partie IN du Festival d’Avignon sous les traits de Miss Knife, un personnage travesti qu’il a créé quand il avait 20 ans. Une manière pour lui de clore ce chapitre comme il l’avait commencé en 2013 : en s’engageant, notamment sur la question du genre. « Ce qui semblait être un discours marginal il y a 25 ans devient un débat national », expliquait-il sur France Inter.



« Il a toujours œuvré, durant ces neuf années et même en interne, pour sensibiliser le plus grand nombre, nous glisse Véronique Matignon, son attachée de direction qui le côtoie au quotidien depuis le début. Il n’a jamais eu peur de s’investir, de prendre position et d’embarquer son équipe avec lui. Cet engagement est absolument nécessaire dans le monde culturel. »



Parmi ses plus beaux faits d’armes, il y a un coup de gueule contre la montée du Rassemblement national (anciennement FN) en 2014, une grève de la faim après le massacre de Srebrenica en 1995 ou encore, des éditos en faveur du mariage pour tous, comme celui publié dans Le Monde en 2012. C’est un engagement « chevillé au corps » comme le disent ses proches puisqu’à 56 ans, Olivier Py a appris à dire les choses. Comme il y a quarante ans, quand il a fait son coming-out après avoir trouvé la voie de la religion. Une annonce étant plus dure à entendre que l’autre pour ses parents : « Artiste si tu veux, homosexuel si tu veux, moine non ! », lui répétaient-ils à l’adolescence, confiait Olivier Py dans Le Soir en 2014.


« Il assume qui il est, il ne cherche pas à se cacher.”


Il n’hésite pas une seconde « quand il s’agit de prendre position » ou de défendre une opinion. C’est ce qu’il a fait à travers ses pièces, dans celles des autres ou en tant que directeur au Centre dramatique national d’Orléans, à l’Odéon et au Festival d’Avignon. Émilien Diard-Detoeuf, comédien avec qui il va collaborer une quatrième fois lors de la 76e édition cet été (7-26 juillet), le constate : « Il ne veut pas laisser d'angles morts. Il s'attaque à tous les sujets, pense la question et s'engage ».


« Il a structuré ma pensée, glisse Emilien Diard-Detoeuf. Il aborde quasiment tout le temps la question du genre dans ses pièces car c'est une thématique chère à ses yeux, il la traite merveilleusement bien. Il a une connaissance profonde du genre car il s'en préoccupe depuis longtemps. Il m'a aidé à comprendre que ce n’est pas binaire, que ça appelle à la nuance. »


Un combat marquant, pour tous ceux qui le connaissent : la lutte pour les droits des personnes LGBT+. Ouvertement homosexuel, c’est « une cause qui lui tient à cœur », abonde son bras droit. C’est en ce sens qu’il a confié à David Bobée les clés du feuilleton Ceccano (une programmation spéciale dans le Festival d’Avignon, en accès libre), en 2018, consacré à la question du genre. « Faire appel à moi, c'était vouloir marquer cette édition d’un angle politique et non pas simplement esthétique, analyse celui qui est aujourd’hui à la tête du théâtre du Nord à Lille. C'est ce qui anime son travail de créateur et de directeur, il voulait dédier un festival entier à ce sujet. »


Un choix « courageux » selon ses proches. Une évidence pour lui. Mais ça n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Et Olivier Py a longtemps nagé à contre-courant, recevant des « scuds » sur la tête, comme le dit son attachée de direction, Véronique Matignon. Notamment quand il s’agissait d’aborder la question du genre. « Mais il assume totalement qui il est et donc, aussi, ses combats, dit-elle avec admiration. Il ne cherche pas à se cacher derrière qui ou quoi que ce soit. »


Et c’est peut-être quand il est paré de strass, en robe à paillettes, qu’Olivier Py est le plus lui-même. « J’ai compris que Miss Knife était plus politique que ne l’était le directeur du Festival d’Avignon », déclarait-il en 2018 dans Télérama.


Le centre des débats, interrogations et critiques


Mais du chemin reste à faire, y compris pour Olivier Py. C’est ce qu’il a appris à ses dépens il y a quatre ans, quand la comédienne Carole Thibault a dénoncé, dans un discours cinglant au milieu du feuilleton consacré au genre, l’invisibilité de la femme et l’absence d’égalité au festival : « Le phallocentrisme et le patriarcat sont les petits rois qui gouvernent ce pays, et particulièrement ce petit milieu cultivé si fier de son ouverture d’esprit, si fier de sa soi-disant liberté de création, d’expression, de choix, si fier de ses prérogatives et si donneur de leçons au monde entier. »


Un cri d’alarme qui résonne encore selon ses proches, qui l’ont vu « surpris » mais désireux de « s’améliorer ». Pour Marie-Coquille Chambel, critique de théâtre et militante féministe à l'initiative du mouvement #MeTooTheatre : « Il a fallu attendre ce moment pour avoir une réaction de sa part. Mais quand on voit qu’il n’y eu aucune femme dans la cour d’honneur alors que c’était son cheval de bataille… ». David Bobée, lui, assure que le directeur du festival « n’a pas peur de corriger le tir car il accepte la critique et l’obligation de devoir faire mieux ».


Personne ne reste insensible quand on parle d’Olivier Py. Il polarise à lui seul les débats, interrogations et critiques. Il les affronte chaque jour à Avignon, sa ville d’adoption, dans les rues, théâtres et églises qu’il sillonne. S’il n’a pas trouvé - ou pris - le temps de répondre à nos questions, il aimait répéter dans les médias la phrase d’un activiste américain pour parler de lui : « Un homme apprend plus sur lui-même en mettant une robe un soir qu’en portant un costard cravate toute sa vie. »

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