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Au festival OFF d’Avignon, dans la peau d’un programmateur

Dernière mise à jour : 20 juin 2022

Plus de 1 500 programmateurs font le déplacement chaque année jusqu’au festival OFF d’Avignon pour découvrir de nouveaux talents et s'imprégner des dernières tendances artistiques. Ils passent de spectacles en spectacles, accueillis comme le Messie par les artistes. Nous en avons rencontré deux. Récit de leurs journées marathon dans la Cité des papes.


La salle de spectacle du théâtre la Comédie des suds, à Cabriès (Bouches-du-Rhône). © Robin Lemercier


Il leur faut du souffle, de l’endurance et de bonnes chaussures. Cinq à six spectacles quotidiens pendant deux, trois, quatre ou cinq jours. C’est un rituel, un marathon annuel qu’ils ne peuvent manquer. Chaque mois de juillet, ils sont au festival OFF d’Avignon.

Lui est programmateur de théâtre à la Comédie des suds, à Cabriès (Bouches-du-Rhône). Robin Lemercier a un objectif lorsqu’il se déplace au festival d’Avignon : « faire les courses ». Sur deux jours, il enchaîne les spectacles avec ses deux collègues. Leur but : dénicher des pièces qu’ils pourront ensuite programmer dans leur théâtre. Vite, vite, leur temps est compté.


Elle est programmatrice artistique à Disneyland Paris©. Eléanore Dedina accumule les spectacles « pour se nourrir » des dernières créations. « C’est l’occasion de voir ce qui se fait, regarder des shows, des productions amusantes et originales, mais aussi de rencontrer des artistes et découvrir les dernières tendances », détaille-t-elle. Cela pendant cinq jours, à raison de six spectacles quotidiens. De 10 h à minuit, elle court de salle en salle.


Lister les spectacles


Lorsqu’il investit la Cité des papes à la mi-juillet, Robin Lemercier n’a pas une minute à perdre. Il faut aller vite, vite, vite. Malgré tout, il ne rate pas le traditionnel café en terrasse du matin et la lecture qui l’accompagne. « Je prends le catalogue du festival et je fais le listing des pièces que je veux voir. » Le soleil tape, la chaleur est étouffante. Il tourne les pages. Café. Verre d’eau. Change de page. Reprend un café. 350 pages à décortiquer avec quatre spectacles sur chacune d’elles. Pas de temps à perdre.


Plus organisée, Eléanore Dedina a déjà fait sa sélection lorsqu’elle arrive à Avignon. Elle aussi a épluché attentivement la Bible du OFF. Quelques lignes de description lui ont suffi pour faire son choix. Sur place, elle non plus ne doit pas perdre une minute. Café. Repérage. Itinéraires. Un autre café. Elle doit aller vite, vite, vite.


Robin Lemercier s’attarde « sur les titres, les affiches et les descriptifs des spectacles. C’est comme ça que je choisis ce que je vais voir ». Il regarde aussi sur Internet si la pièce a déjà des critiques. « Plus il y a de commentaires, plus le spectacle a tourné. » Une pièce qui a pléthore d’avis positifs est une sécurité pour lui. Il ne peut se permettre de perdre du temps à regarder des représentations qui ne vont pas séduire son public. Titre. Affiche. Description. Critiques. Il répète l’opération plusieurs fois. 1 070 créations étaient programmées en 2021. Cette année, il y en a 1 540. La ville se transforme en un gigantesque marché aux spectacles. Les artistes espèrent que les programmateurs vont acheter leur pièce. Mais Robin Lemercier ne peut pas tout voir. Il doit rentabiliser sa venue. Aller vite, vite, vite.


Eléanore Dedina n’est pas tant à Avignon pour le business que pour « rester à la page ». « Outre la recherche artistique et créative pure, je ne sais pas précisément ce que je cherche », expose-t-elle. Elle est avide de représentations « qui vont correspondre à nos thématiques de l’année ». Pour des événements prévus dans les hôtels du Disney Village© ou des spectacles éphémères pour Halloween, elle s’inspire au maximum de ce qu’elle voit. Un show, puis un autre, et encore un. Pour les artistes, sa venue s’apparente à celle du guide Michelin dans un restaurant.


Café théâtre et shows extravagants


Une fois sa liste de cinq ou six spectacles établie, Robin Lemercier commence son marathon. « Je ne me fais pas inviter, question d’éthique. » Alors il achète ses places. Théâtre du Chien qui fume, des 3 Soleils, du Balcon, puis celui du Capitole, du Chêne noir… L’heure tourne. Il doit aller vite, vite, vite. « Je regarde les pièces en essayant de me mettre le plus possible dans la peau d’un spectateur », précise-t-il. Il « chine » des comédies, ambiance café théâtre ou pièces de boulevard, ce que propose la Comédie des suds.


C’est un tout autre style que cherche de son côté Eléanore Dedina : « Je m’intéresse aux comédies musicales, aux spectacles avec des thématiques historiques ou étrangères. » Disney voit les choses en grand. Ce qui l’attire ? Des costumes extravagants et des maquillages abracadabrants. Du show, du show, du show.


Mais avec autant de numéros emmagasinés en une journée, la programmatrice de Disneyland Paris© ne peut pas tout mémoriser. Son carnet de notes est son meilleur allié. « Ça me permet de garder une trace de ce que j’ai vu comme ça quand les demandes arrivent au cours de l’année, je retrouve facilement les noms des troupes qui pourraient correspondre. » Auquel cas, elle pourra solliciter des artistes pour un événement. Thématique. Carnet. Contact. C’est sa technique pour aller vite, vite, vite.


En plus de ses notes, Eléanore Dedina récolte tous les dossiers de presse des spectacles auxquels elle assiste et peut laisser sa carte de visite lorsqu’elle a été conquise par une représentation. De même pour Robin Lemercier. Lui contactera les troupes qu’il aimerait voir performer dans son théâtre une fois le festival terminé.

Il faut garder du souffle. Après Avignon, le marathon devient une course de fond.


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