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De Paris à Avignon, la folle aventure de deux comédiens devenus propriétaires d’un théâtre

Rencontre avec Patrick Zard’, codirecteur du théâtre de l'Oriflamme à Avignon, qui accueillera des troupes cette année, pour la première fois, au festival OFF.

Situé dans une rue passante d'Avignon, le théâtre de l’Oriflamme se rêve incontournable dans les prochaines années. © Vincent GENY


En mai dernier, un nouveau théâtre permanent a ouvert ses portes à Avignon. Une aventure initiée par les comédiens Patrick Zard’ et Julien Cafaro, inséparables depuis un premier spectacle en 1984. Le premier revient pour nous sur ce pari audacieux.


En 2017, vous souhaitiez présenter une pièce au OFF. Un projet avorté à cause des prix prohibitifs. Vous décidez donc d'acheter votre propre établissement. C’était une gageure ?


Un peu, oui. À l'origine, nous avions la volonté de monter une pièce adaptée de L'Argent de la vieille, un film italien des années 70. Julien devait jouer un personnage et je m'occupais de la mise en scène. On a rencontré beaucoup de difficultés à Paris donc nous sommes descendus à Avignon en 2017 avec l'idée de la présenter pour le OFF.


« Nous avons visité des salles plus glauques les unes que les autres avec des prix totalement inabordables »

Nous avons visité des salles plus glauques les unes que les autres avec des prix totalement inabordables. Nous n'avions pas la fortune nécessaire pour jouer trois semaines en payant six comédiens ainsi que le loyer. Après cet échec, mon associé a eu l'idée de nous rendre dans une agence immobilière afin de voir si on pouvait directement acheter notre établissement. Quelques semaines plus tard, alors que nous étions à Paris, on nous a appelés pour visiter un ancien restaurant.


C'était le coup de foudre ?


L'endroit manquait de hauteur, c'était un peu une ruine, il n'y avait même pas de compteur électrique, mais il était très bien placé. En novembre 2017, on s'est jeté à l'eau et on a acheté les murs. Il y avait tout à faire. Nous avons eu des soucis avec un premier architecte incompétent. Le second nous a fait des plans cohérents avec ce que nous souhaitions. Après plus de deux ans de travaux, nous étions presque prêts à ouvrir puis début 2020, le Covid nous est tombé dessus.


« Si on avait su à l'avance tous les emmerdements, on ne l'aurait pas fait »

Les problèmes ont continué, notamment avec un artisan qui a déposé le bilan au cours de l'été 2020. Nous visions le OFF de 2021. Malheureusement, le feu vert de la mairie a tardé et est arrivé après la clôture des inscriptions. Nous avons pris notre mal en patience en gardant le festival de 2022 en tête. En attendant, des cours de théâtre ont démarré chez nous en septembre dernier.


Vous comptez faire de votre théâtre une des nouvelles scènes permanentes d'Avignon, avec quelle programmation ?


Dans un premier temps, nous avons lancé des concerts de jazz. Le premier s'est tenu le 9 février 2022, à guichets fermés. Le 5 mai dernier, nous avons inauguré officiellement le théâtre et proposé un nouveau concert de jazz quinze jours plus tard. Nous avons prévu d'accueillir des troupes en résidence, des seuls en scène et d'organiser cinq à six concerts de jazz par an. On pense également à développer des petits concerts de musique lyrique. Si le OFF sera un grand moment pour le théâtre de l'Oriflamme, le lieu n'a pas vocation à rester fermé le reste de l'année.


Avignon est l’une des capitales mondiales du théâtre. Comment avez-vous vécu le premier lever de rideau ?


C'était épique ! Honnêtement, si on avait su à l'avance tous les emmerdements, les problèmes liés à la pandémie et les frais des travaux, on ne l'aurait pas fait. Maintenant que c'est ouvert, on est ému de voir des artistes jouer sur notre scène et le public les applaudir, c'est bouleversant. Nous avons eu tout le mauvais dès le départ, il ne peut que nous arriver du bon désormais!


Comment avez-vous été accueillis par les Avignonnais et le reste de la communauté des acteurs locaux·?


Nous avons rencontré presque tous les acteurs locaux qui nous ont réservé un accueil formidable. Serge Barbuscia, du célèbre théâtre du Balcon, nous a promis son aide en cas de besoin. Même les commerçants ont été très ouverts avec nous. Nous avions peur d'être vus comme des Parisiens qui débarquent pour ouvrir un théâtre fermé onze mois par an. Finalement, ce ne fut pas le cas. Le Mr. Bricolage qui se trouve à côté et refuse la plupart des affiches a accepté de recevoir les nôtres pour nous aider. Nous avons déjà prévu de collaborer avec d'autres salles d'Avignon pour produire des spectacles ensemble hors du festival.


Comme comédiens vous vous êtes heurtés à des prix exorbitants pour jouer au festival. Quelle sera votre approche pour les artistes maintenant que vous disposez de votre établissement ?


En prévoyant de rester ouverts toute l'année, on peut assurer des revenus réguliers, contrairement aux scènes qui font tout leur chiffre d'affaires sur les trois semaines du festival et ont besoin de rentabiliser au maximum. Nous avons conclu des accords avec certaines compagnies qui payeront un prix abordable lors de l'édition 2022 du festival.


Maintenant, nous ne pouvons faire aussi bien qu'on le souhaite à cause des retards et des coûts supplémentaires engrangés ces dernières années. Les résultats de notre première année seront déterminants pour proposer un accueil éthique aux petites compagnies à l'avenir.

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