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Paul Rondin : « Le Festival d'Avignon est une terre d'hospitalité pour toutes les start-ups »

Dernière mise à jour : 13 juin 2022

Neuf ans après sa prise de fonction en tant que directeur délégué du Festival d’Avignon, Paul Rondin ne peut que constater l’évidence. Cofondateur de la French Tech Culture, il avait fait du numérique et des innovations l’un des axes principaux de son mandat. Mais il apparaît aujourd’hui désabusé devant le manque d’initiatives de la part des start-ups françaises.

Paul Rondin va vivre son dernier Festival en tant que directeur délégué cette année. © Christophe Raynaud de Lage.


En fin de matinée, à l’étage du Cloître Saint-Louis, Paul Rondin, chemise à carreaux et pantalon de costume, travaille sur ses derniers dossiers à un mois du début du Festival d’Avignon le 7 juillet 2022, dans son large bureau au mobilier d’époque. Directeur délégué du plus grand festival de théâtre au monde depuis 2013, il est également le co-fondateur de la French Tech Grande Provence. Sensible aux questions du numériques, il déplore le manque d’innovations présentes sur l’événement depuis son arrivée.



Paul Rondin, le numérique était l’une de vos priorités à votre arrivée en tant que directeur délégué du Festival. Peut-on parler d’un échec désormais ?


Quand nous avons pris la direction du Festival avec Olivier Py en 2013, nous voulions absolument parler au monde du numérique. C'est-à-dire à la fois aux usagers et à ceux qui produisent des machines, des contenus ou des solutions. Cela a eu un certain nombre de résonances mais je ne peux pas dire non plus que ça ait produit des choses qui soient de l'ordre de la révolution numérique. Que ce soit pour les usagers ou pour les start-ups.

Cela a réancré la notion numérique au sein de l'écosystème avignonnais. Néanmoins, la culture s'est un peu perdue dans cette histoire. J'ai envie de dire qu'aujourd'hui la relation est d'usage, d'utilité et de service entre le Festival d'Avignon et les besoins des spectateurs du festival. Là, il y a une multitude de start-up qui apportent un certain nombre de services. Cela va du co-voiturage, à des solutions de désinfections, de la billetterie, de la diffusion de contenu artistique. Mais la culture n’est pas majoritaire.

« Les acteurs du numérique n'ont pas compris l'intérêt de la culture »

Vous pensez qu’aujourd’hui la France a un train de retard sur les États-Unis pour exporter sa culture ?


Sincèrement, je ne vous dirais pas qu'on a raté le virage mais je pense que nous l'avons pris trop large, nous n’y sommes pas. On est bien en dessous de ce que l'on aurait dû faire. Et j'ai du mal à en expliquer les raisons. Les acteurs du numérique n'ont pas compris l'intérêt de la culture et l'on se retrouve à dire : « Regardez Netflix ou Disney ». La France a inventé le cinéma mais pas de chance, les États-Unis ont inventé Netflix. Nous n’avons pas su être fiers des contenus culturels comme le cinéma, la musique et le patrimoine.

C'est pourtant une des identités majeures de la France dans le monde. Nous n’avons pas su le vendre, on ne sait pas le faire. Nous avons essayé d'imiter nos voisins, au lieu d'inventer ce qui nous caractérise, avec une vraie plus-value. À Avignon, il s'est passé la même chose. Nous avons notre responsabilité en tant que Festival d’Avignon.



La French Tech Grande Provence devait justement apporter ce soutien et mettre en avant les nouvelles innovations …


Il faut qu'elle grandisse encore mais les acteurs économiques ne l’ont pas assez aidée. Les gens travaillent tellement en silo en France, que si vous faites de la technologie et de l'innovation, vous ne pouvez pas faire du vin et de la culture. À la fin vous finissez par faire de la communication.

« Nous sommes la première terre de tourisme au monde, cela veut bien dire qu'il y a quelque chose d'intéressant »

Le Festival d'Avignon est une terre d'hospitalité avec toutes les start-ups qui ont à voir avec la culture, il n'y a aucun doute là-dessus. J'adorerais avoir un millier de start-ups mais il n'y a pas grand chose. Je ne suis pas emballé et je ne peux pas défendre énormément de projets et d'innovations.


Vous dites finalement que la meilleure innovation culturelle, c’est le pass culture…


C’est triste à dire mais c’est le plus grand projet start-up et d'innovation dans le monde culturel pour le public. Un projet initié par l'État et qui a le plus fait avancer les choses. Le pass culture est le seul outil qui permet à pratiquement deux millions de jeunes en France, de savoir qu'il se passe quelque chose dans le monde culturel. Cela pose beaucoup de questions pour nous, opérateurs de culture. Nous n’avons pas su faire le job.


Une nouvelle ministre de la culture vient d’être nommée. Sur quoi doit-elle concentrer ses efforts ?


Si Rima Abdul-Malak a un chantier majeur à traiter en priorité, c'est celui de faire travailler les gens ensemble pour qu'ils réfléchissent. Arrêter de courir après Netflix et les autres, pour réfléchir à partir de notre culture. Nous sommes la première terre de tourisme au monde, cela veut bien dire qu'il y a quelque chose d'intéressant. Les gens viennent voir la culture. C'est là qu'il y a quelque chose qui n'est pas abouti et c'est frustrant. C'est très étrange ce pays qui a été tellement innovant et qui se retrouve aujourd'hui toujours à la traîne.

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