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Au Festival d'Avignon, le casse-tête du logement

Augmentation du nombre de spectacles, marché des logements de plus en plus tendu… : se loger durant le Festival d’Avignon devient problématique, tant pour les troupes de théâtre que pour les spectateurs.

Les logements du centre-ville d’Avignon sont davantage prisés des spectateurs que des troupes durant le Festival. (Place de l’Horloge, le 31 mai 2022) © Mathilde SEIFERT


C’est le plus gros poste de dépense des spectateurs et des troupes, après la location de la salle de théâtre, assure Simon Dusart, comédien et metteur en scène de la Compagnie dans l'Arbre à Lille. Se loger pendant le Festival d’Avignon est un véritable casse-tête logistique et financier. Et ça, les Avignonnais l’ont bien compris. Chaque année, le nombre de demandes de réservations explose sur cette période. Si bien qu’Airbnb, le site de locations saisonnières, constate à l’occasion d’une étude publiée en novembre 2021 « six fois plus de recherches pour la semaine du 8 juillet 2022 que les semaines équivalentes les mois précédents ».


Même constat du côté d’Arnaud Legris, propriétaire de plusieurs appartements intra-muros, qui voit son calendrier du mois de juillet se remplir dès le mois de janvier. Le jeune trentenaire l’admet, il est contraint de s’aligner sur les prix du marché : « Si le tarif de la nuit est fixé à 100 € tout au long de l’année, je l’augmente à 350 € au moment du Festival pour un trois pièces. » En dix ans, « les prix des locations saisonnières n’ont fait qu’augmenter », comme nous l’affirme Sébastien Benedetto, ancien président du OFF.


Et la crise sanitaire n’a pas aidé. En accusant une baisse de fréquentation en 2020 et 2021, les habitants de la ville pourraient bien en avoir profité pour gonfler leurs prix. C’est en tout cas ce que croit savoir Simon Dusart. « Une maison affichée au prix de 5 000€ pour trois semaines en 2019 coûte désormais 8 000€ cette année », gronde-t-il. Il dit avoir été contraint d’augmenter son budget logement de 700 euros par personne, contre 1 000 auparavant.


Cette situation de déséquilibre entre l’offre et la demande a même donné des idées malhonnêtes à certains propriétaires. « Des logements peuvent être présentés comme des quatre pièces et quand on arrive, on se rend compte que la troisième chambre est en fait le salon », s’indigne Simon Dusart, désormais expert dans l’art de repérer les annonces falsifiées.


Un soutien nécessaire


Les techniques pratiquées et les prix élevés desservent en premier lieu les comédiens. Les troupes doivent donc se montrer ingénieuses si elles veulent continuer à participer à ce rendez-vous mondialement connu. Une petite poignée de régions a décidé d’agir pour les aider et propose un soutien financier via des subventions. Dans les Hauts-de-France par exemple, elles peuvent couvrir jusqu’à 30 % de l’ensemble des dépenses sur place. La région propose également de prendre en charge la location des salles de théâtre pour deux heures de créneau par jour pendant trois semaines, soit une aide représentant entre 8 000 et 20 000 €.


Mais ces subventions restent rares et ne comprennent pas l’intégralité de leurs frais. Conséquence : certaines troupes doivent tirer un trait sur le confort du logement ou les repas au restaurant. Ils le savent bien, le maître mot à Avignon est « l’optimisation ». Les compagnies peuvent aller jusqu’à supprimer des postes et en fusionner d’autres pour que le groupe soit polyvalent et réduit au strict minimum.


Un camping géant


Beaucoup de compagnies abandonnent aussi l'effervescence de l’intra-muros pour le calme - mais aussi la distance - de la périphérie. Mais c’est parfois un mal pour bien. « C’est épuisant d’être H24 à Avignon, de de jouer tous les jours à la même heure. Alors il est primordial de garantir les meilleures conditions pour l’équipe », explique Simon Dusart. Pour lui, « avoir chacun sa chambre ou pouvoir profiter d’un bout de terrasse ou de jardin permet vraiment de se reposer pendant les jours off ».


Mais si cet éloignement entraîne une baisse de coûts, il nécessite aussi de s’organiser pour se rendre dans l’intra-muros quotidiennement. Et ce n'est pas tâche aisée. Depuis la mise en place du plan Faubourgs en janvier 2022, qui vise à réduire la place de la voiture à Avignon, les embouteillages autour de la vieille ville se sont aggravés. Mais la Compagnie dans l’Arbre a pensé à tout. « Dès notre arrivée dans la ville, nous louons des vélos pour effectuer nos trajets quotidiens entre le théâtre et notre pied-à-terre. Ils nous garantissent une certaine indépendance. »



Mais même pour un logement extra-muros, les coûts sont parfois encore trop élevés pour certaines troupes qui sont contraintes de dormir à plusieurs dans une chambre, sur un matelas gonflable dans un salon ou sous une tente pendant toute la durée du festival. « L’île de la Barthelasse, en face d’Avignon, devient un camping géant où les tentes sont collées les unes aux autres », image Pascal Weimer, un aficionado du Festival. Pour Simon Dusart, ce type de logement n’est pas une solution « tenable lorsque l’on doit jouer pendant trois semaines ».


Au-delà de l’accueil des troupes, c’est aussi l’accueil des spectateurs qui s’en trouve délaissé. « Cette année, les hébergements sont saturés bien avant que les visiteurs ne pensent à organiser leur venue », explique Sébastien Benedetto, ancien président du Festival OFF de la ville. Un des moyens de contrer ce phénomène serait, selon lui, de limiter le nombre de spectacles présentés pendant le festival. Le but : redonner l’occasion aux passionnés de se loger dans de bonnes conditions - et à des prix décents - à Avignon. Mais ce n’est pas demain la veille. Cette année encore, plus de 1 500 spectacles seront joués pendant tout le festival.

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